«C'est vraiment trop injuste». L'expression que l'oisillon pleurnichard ne cessait de bredouiller dans le dessin animé des années 70, pourrait bien être le leitmotiv d'une France qui n'a pas le moral. Calimero revient en 2014, dans une nouvelle série fort à propos. Pour le sociologue Jean Viard, qui a publié Nouveau portrait de la France , nous vivons dans «une société de bonheur privé et du malheur public». C'est un peu la grande maladie de Calimero, dont les nouvelles déconvenues seront diffusées par TF1: avoir le sentiment d'être le vilain petit canard. «Deux tiers de l'humanité est sortie de la pauvreté s'enorgueillit le sociologue. C'est une avancée historique, mais en France, nous voyons ça comme de la concurrence des pays émergents. De même, tout le monde est terrorisé par le chômage, dont les chiffres sont élevés, certes. Mais globalement 90% d'actifs travaillent.»
Le Français aurait le don de toujours voir les mauvais côtés des choses, comme le anti-héros du dessin animé créé par Toni et Nino Pagot, en 1962. Depuis la fin des années 80, le pessimisme serait même une seconde nature dans notre société. Calimero, qui avait été privé d'antenne pendant quinze ans, avait d‘ailleurs fait son grand retour dans les chaumières au début des années 90. «La France est un pays profondément dépressif parce que le projet français est détruit depuis un quart de siècle poursuit le sociologue. Il y a une nécessité de produire un nouveau récit politique et collectif français. Le seul affrontement capital/travail, le moteur depuis la Seconde Guerre mondiale, n'est plus en phase avec notre temps. Nos politiques devraient se frotter à l'intégration de la France dans l'Euroméditerranée, ou au défi écologique.»
Une génération Calimero sortie de l'œuf?
Vingt ans plus tard, une nouvelle génération, née avec la crise, peut-elle se reconnaître dans le spleen de Calimero? «Le bonheur diminue toujours après vingt ans, car le marché du travail casse le moral. Mais j'ai l'impression que les jeunes sont plus heureux qu'on veut bien le dire. Le fond du problème: les gens mettent sur le même plan le travail et la vie privée. Hors, les Français n'occupent que 10% de leur temps au travail. Même s'il n'y pas de généralités, les jeunes sont heureux pendant leurs études», explique encore Jean Viard.
Autre point de comparaison, Calimero, petit oisillon noir avec une coquille d'œuf sur la tête, a toujours le sentiment d'être mal perçu. L'Hexagone aussi. «La France oublie qu'elle a de vrais atouts, comme l'industrie du luxe par exemple. Ça n'est pas innocent. Notre pays suscite le désir, même si nous sommes peu compétents en matière de service à la personne.»
Si le moral de la France est morose, celui de Calimero remonte doucement. En 2014, il revient plus optimiste, sans zozoter et toujours coiffé de sa coquille d'œuf ébrêchée. «On a essayé de faire en sorte que le personnage ne soit plus la victime qu'il a été dans le passé», confessait Pierre Balaïsch, patron de Gaumont Animation à 20 minutes. La perception de Calimero aurait changé. Les Français ne le trouveraient plus si plaintif que ça....